Comme chaque année depuis 1977, la journée du 8 mars célèbre les femmes du monde entier et promeut leur lutte pour un monde plus juste et équitable.

À cette occasion, Réseau Vrac a interrogé trois femmes entrepreneuses et adhérentes de l’association sur leur parcours.

Laëtitia Van de Walle, Fondatrice de Lamazuna

Basée près de Valence, Lamazuna propose depuis 2010 une sélection de cosmétiques solides fabriqués à la main en France et issus de matières premières biologiques ainsi que des accessoires écologiques destinés à éliminer les déchets de nos salles de bains.

Quel est votre parcours ?

J’ai suivi des études de communication et ai travaillé dans de nombreux domaines, de la production cinéma au journalisme, avant de créer Lamazuna lorsque j’ai eu 25 ans. Les cinq premières années ont été difficiles, je cumulais les jobs en parallèle pour pouvoir gagner ma vie et financer le projet, jusqu’à ce qu’arrive la COP21 en 2015 et qu’enfin la population comprenne qu’il était temps de passer au zéro déchet ! La prise de conscience a été très soudaine et tout à coup les gens ont réalisé l’intérêt des produits que je proposais. C’est là que j’ai pu commencer à vivre de Lamazuna et embaucher les premiers salariés, et que le nombre de déchets évités grâce aux utilisateurs de nos produits s’est mis à compter !

Pourquoi avoir créé Lamazuna ?

J’ai toujours su que je voulais être chef d’entreprise, pendant mes études j’ai monté différents sites Internet avec des amis. Un jour j’ai eu par hasard l’idée de nos lingettes démaquillantes lavables. Elles ont donné le point de départ de Lamazuna. Nous ne nous sommes jamais définis comme "écolo" dans ma famille, pour moi c’était un terme réservé aux parisiens qui achetaient bio, pourtant c’était notre mode de vie. Du coup lorsque l’idée des lingettes a surgi, il m’a semblé que ça allait être le bon produit, celui qui allait me ressembler et que j’allais être fière de porter. C’est toujours le cas aujourd’hui, et nous essayons à présent de supprimer tous les déchets de la salle de bain ! C’est une mission d’envergure, que nous poursuivons depuis 9 ans et qui a plus de sens que jamais.

Quel(s) conseils donneriez-vous à une femme qui veut créer son entreprise ?

Le même qu’à un homme, être ultra positif ! Il y aura des montagnes à dépasser chaque jour, pas une semaine sans problème à résoudre, en permanence le sentiment de faire trois pas en avant et deux pas en arrière, mais tant que vous aurez l’impression d’avancer ne serait-ce qu’un tout petit peu, continuez !
Et surtout, surtout, si on dit que le consommateur a le pouvoir de faire le bien ou le mal avec chaque euro qu’il dépense, le chef d’entreprise a ce même pouvoir mais décuplé. Donc pour chaque produit ou service que vous développerez, prenez le temps de faire le bon choix, le plus durable, le plus en accord avec vos convictions, car votre impact sera important. Surtout ne l’oubliez pas !

Maria del Mar Mella, Fondatrice de la boutique vrac The Naked Shop ( 75 rue Oberkampf 75011 Paris)

The Naked Shop est la première boutique spécialisée en vrac liquide. Elle propose essentiellement des produits pour l’entretien de la maison et le soin du corps.
Avec leurs distributeurs automatisés, The Naked Shop souhaite faire avancer la consommation en vrac en le rendant plus simple et plus rapide, notamment grâce à un service de consigne très efficace .

Quel est votre parcours ?

Je suis née en République Dominicaine, un merveilleux pays situé en plein centre des Caraïbes, marqué malheureusement par de nombreuses inégalités. J’ai travaillé pendant de longues années comme juriste spécialisée en droits des femmes. En parallèle j’ai été très impliquée dans la lutte pour les causes environnementales.
En 2012, je suis arrivée en France pour faire un Master en Sciences Politiques, ce qui devait me permettre de rentrer dans mon pays natal afin de démarrer une carrière politique. Vers la fin du master, je rencontre Nico et je décide de rester en France, où l’on se marie peu de temps après. Je découvre le zéro déchet en 2015. Moi qui me pensais très « écolo », je me suis rendue compte que je n’avais jamais fait attention à mes actions quotidiennes et particulièrement, à mes déchets.
Notre quotidien a alors changé. On a décidé de faire nos courses en vrac, j’ai commencé à faire pousser quelques fruits et légumes sur notre petit balcon et on s’est même lancé dans l’aventure du lombricompostage.

Pourquoi avoir créé The Naked Shop ?

Après 3 ans à essayer de réduire nos déchets, j’avais bien compris ce qui manquait le plus à Paris. Pour les produits alimentaires secs en vrac, on en trouve partout même dans les grandes surface. Par contre, pour trouver des produits liquides, je devais traverser Paris avec une valise et tous mes contenants pour aller faire le plein une fois par mois dans 2 ou 3 magasins qui proposaient quelques produits. Je passais à peu près une heure à me servir d’un contenant qui coulait très lentement par gravité et à l’aide d’un entonnoir. L’épicier, souvent débordé, devait passer beaucoup de temps avec moi pour m’aider.
C’est comme ça que la réflexion a commencé : il fallait un système beaucoup plus rapide, en libre-service, avec beaucoup de choix de liquides.
Un jour, c’est au beau milieu d’un bar à bières que je comprends que ce qui manque à Paris, c’est un bar à liquides avec des tireuses pour les produits d’entretien et les produits d’hygiène.

Quel(s) conseils donneriez-vous à une femme qui veut créer son entreprise ?

Quand on y croit, il faut y aller. Entre l’idée et l’ouverture de la boutique, 6 mois sont passés. J’ai eu l’opportunité d’avoir un superbe emplacement et j’ai décidé de me donner à fond. Je n’ai pas eu le temps ni pour le doute, ni pour la peur. Je pense que c’est ce qui a fait de The Naked Shop, une réalité. Si l’on consacre trop de temps à réfléchir à chaque détail et que l’on passe des mois à peaufiner un business plan, on peut aussi très vite se retrouver paralysé.
J’ai aussi découvert que les gens adorent vous décourager et quand on est une femme, je pense que c’est encore plus fréquent. Il faut savoir écouter les bons conseils et faire abstraction de ceux qui ne vous serviront pas. Comme partout dans la vie, il faut savoir s’entourer de gens positifs qui nous font avancer et qui nous font devenir de meilleurs êtres humains.

Claire Larpenteur, Fondatrice de Ô Fur et à Mesure, (Châtenay-Malabry)

Projet d’ouverture sur la ville de Châtenay Malabry, Ô Fur et à Mesure sera une épicerie coopérative et participative sans emballage jetable.
Elle proposera des produits en vrac et des animations afin d’offrir un lieu de vie, de rencontre et de cohésion sociale, autour de la thématique de la réduction des déchets.
Claire Larpenteur a été finaliste du Concours Créatrice d’Avenir qui récompense les femmes entrepreneurs.

Quel est votre parcours ?

Je suis issue du milieu ouvrier. J’ai passé toute ma jeunesse à Pantin et la plupart de mes vacances dans la maison de mes grands parents surnommée "La Fromagerie" (il s’agissait d’une ancienne coopérative laitière) en Haute Marne. J’ai fait toute ma carrière professionnelle dans la Banque/Assurance auprès d’une clientèle de particuliers plutôt aisés. A l’automne 2013, mon employeur laisse entendre que des licenciements massifs vont être mis en place dans les années à venir. Je saute sur l’occasion pour me remettre en question. Comme j’attendais avec impatience la sortie du livre de Béa Johnson Zéro Waste en français, celui-ci m’est offert à Noël. Le 01 janvier 2014 je prends la décisions de monter une épicerie Zéro Déchet. Que s’est il passé depuis cette date ? Je n’avais pas au départ les compétences nécessaires pour monter une entreprise (le fameux business plan), mon idée n’était pas forcément acceptée (Quoi quitter une banque pour devenir simple épicière ??), les sources d’informations limitées (Réseau Vrac n’existait pas encore). Et patatras, voici qu’après ma première rencontre début 2015 avec ce que sera plus tard Réseau Vrac, je tombe gravement malade. Je vais mettre près de 3 ans à m’en remettre : le sens des priorités change.

Pourquoi créer Ô Fur et à Mesure ?

Le nom m’est venu en lisant une recette de cuisine : "verser au fur et à mesure". Il correspondait à l’idée que je construisais de consommer à mesure des besoins et de valoriser le travail fourni. Comme une idée ne vient jamais seule, Ô Fur et à Mesure est devenu tout un programme de création d’emploi au sein du quartier prioritaire de La Butte Rouge de Châtenay Malabry dont la réduction des déchets est le seul leitmotiv. A l’instar de la Recyclerie de Paris, l’épicerie sera l’axe central permettant de passer du statut d’association à celui de coopérative (SCIC) afin d’investir dans des activités certes moins lucratives (Ressourcerie, brico théque…) mais extrêmement valorisantes pour la planète et, je l’espère pour les habitants de ma commune.

Quel(s) conseils donneriez-vous à une femme qui veut créer son entreprise ?

Persévérance. Depuis plusieurs mois le projet a été stoppé suite à un problème avec le local, je dois attendre le 26/03 pour le relancer. Mais il paraît que plus on met de temps à réfléchir en amont plus les projets sont matures et aboutissent sereinement.
Confiance. Il faut croire en ses rêves les plus fous !
Savoir s’entourer. Avec le recul, je m’aperçois que désormais pour les compétences dont j’ai besoin, je fais appel à des profils de femmes qui sont entrepreneuses car j’y trouve la bienveillance dont j’ai besoin. Rassurez-vous je n’ai pas éradiqué les hommes, mon conjoint est mon premier supporter. J’en ai croisé des extraordinaires comme Didier, Jimmy, Claude, Henry, Jean-Christophe ou mon avocat. Mais je trouve auprès de ces femmes, une écoute et une attention toute particulière car elles connaissent les difficultés de l’entrepreneuriat au féminin. Savoir s’entourer, c’est aussi faire appel à des structures d’accompagnement, pour ma part je profite de l’occasion pour remercier chaleureusement Réseau Vrac, CCI Paris, SNC, APIES, HDSI 92 et Boost’Her.
Oser. A 48 ans, entreprendre la démarche de s’inscrire à un concours, passer l’exercice du pitch quand on ne l’a jamais pratiqué, c’est un vrai défi ! Je tiens à saluer le courage du jury du concours Créatrices d’Avenir 2018 organisé par Initiative Île de France qui a osé me nommer dans les 3 premières finalistes de la catégorie Quartier alors que mon projet n’est que sur papier pour le moment. Et entre nous, parler de réduction de déchets cela peut paraître peu glamour pour une femme :)
Un dernier merci, à ma famille et mes enfants.

Réseau Vrac est fier d’accompagner des entrepreneuses aussi inspirantes. Nous espérons que ces témoignages vous ont plu et vous donneront l’envie de réaliser vous aussi les projets qui vous trottent peut-être en tête depuis un moment !

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