Tous les 2e vendredi du mois, Réseau Vrac interroge l’un de ses adhérents sur son parcours personnel qui l’a mené vers le vrac. Pour ce 18ème parcours d’adhérents, nous vous présentons Raphaël, fondateur et gérant d’Edgar, une épicerie vrac et zéro déchet située à Hong Kong.

Bonjour Raphaël, vous êtes le créateur d’une épicerie vrac et zéro déchet à Hong Kong. Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre concept ?

Le concept d’Edgar est né et a commencé à se développer en 2016. A l’origine, j’étais dans la distribution alimentaire. L’un de mes fournisseurs, Dao, qui était déjà acteur du vrac, m’a parlé de ce nouveau mode de consommation. A l’occasion de la COP 21, Biocoop avait ouvert Biocoop 21, leur premier magasin 100% vrac en France. Lorsque je m’y suis rendu, j’ai été surpris par l’ambiance chaleureuse du lieu : les gens se parlaient entre eux, il y avait un esprit très communautaire, très universel. J’ai trouvé formidable l’idée de pouvoir créer un endroit de ce genre tout en réduisant le gaspillage alimentaire. Suite à Biocoop 21, j’ai voulu rassembler et proposer aux clients des produits vrac issus de différents fournisseurs. J’ai fait cette proposition à plusieurs clients et détaillants qui ont trouvé l’idée bonne mais n’ont pas désiré m’accompagner sur ce projet. Au final, je me suis associé au gérant d’un shopping mall* pour réaliser « a proof of concept* ». Cela a abouti à la création de notre première boutique. Désormais, Edgar compte 4 magasins.

*shopping mall : centre commercial
*Proof of Concept : phase de test d’un projet ou d’une innovation avant son lancement opérationnel

Quels défis a représenté le fait d’être un commerce pionnier dans le vrac à Hong Kong ?

Tout d’abord, il a fallu comprendre les réticences des clients. Ces derniers ne connaissant pas le vrac, ils avaient beaucoup d’interrogations notamment autour de l’hygiène. Le premier défi a donc été d’attirer une clientèle et de la convaincre de l’utilité de ce mode de consommation. Au final, cela s’est fait assez vite : les visiteurs ayant fait preuve d’un grand intérêt et d’une bonne compréhension du concept. Ainsi au bout de quelques semaines on a pu observer l’arrivée de clients qui apportaient leurs propres contenants.

Le second défi a concerné nos fournisseurs. En 2016-2017, il y avait très peu de fournisseurs vrac. Le fait de ne pas avoir d’emballage rendait le vrac moins esthétique aux yeux des clients. De ce fait, les fournisseurs ne se lançaient pas dans le vrac. De plus à Hong Kong, 98 % des produits sont importés et il existe très peu de bio. Donc nous n’avons pas eu d’autres choix que de, nous aussi, importer nos produits. Ainsi, la majorité de nos fournisseurs sont européens. Mais petit à petit, je me suis interrogé sur notre empreinte carbone. J’ai alors décidé de réaliser une compensation des envois, en achetant des crédits de compensation.

Quels sont selon vous, les avantages et inconvénients d’une implantation de commerce vrac à Hong Kong, par rapport à une implantation faite en France ?

Le gros problème à Hong Kong, c’est le manque de règlementation. Le bio et le vrac sont très peu réglementés. De ce fait, il est possible de trouver tout type de qualité sur le marché, ce qui créé une certaine confusion et un manque de confiance de la part des consommateurs. On a aussi rencontré quelques difficultés au niveau des fournisseurs, il n’y avait pas beaucoup de variété dans les produits proposés en vrac. Au final, on a réussi à travailler avec des fournisseurs en phase de transition, comme Dao ou certains qui proposaient déjà une belle gamme de vrac comme Pain de Belledonne.

Un autre élément impactant à Hong Kong, c’est le fait que l’immobilier y soit très cher. Ainsi les espaces de cuisine sont très petits. Le fait de pouvoir acheter l’exacte quantité désirée est donc un argument en faveur du vrac très important pour les hongkongais.

La ville a aussi un énorme problème de surconsommation de plastique. Edgar est donc devenu un « plastique free shop ». En fait, ici les consommateurs cherchent avoir un impact plus positif mais ont peu de solutions pour le faire.

Pourquoi avoir rejoint Réseau Vrac et qu’est-ce que cela vous apporte ?

J’ai tout d’abord pu assister au Salon du vrac. Cela m’a permis de rencontrer des gens qui se posaient les mêmes questions que moi, de découvrir des fournisseurs développant des outils de vente différents de ceux mis en place dans les commerces classiques et enfin, d’obtenir des réponses ayant du sens. A Hong Kong, il y a un réel manque de législation autour du vrac. Or, j’ai compris grâce à Réseau Vrac qu’une bonne réglementation permet de rassurer le consommateur sur la qualité des produits proposés. Les avancées législatives de l’association m’ont donc permis de développer des tendances de plus en plus performantes, devançant même les attentes des clients. Réseau vrac et ses évènements m’ont aussi fait rencontrer des gens formidables, passionnés par les mêmes choses que moi. On va tous dans la même direction, ce qui permet de démultiplier le résultat espéré. Enfin, appartenir à un réseau, c’est étendre la famille du vrac. D’une manière générale, face à Hong Kong, la France est championne du 0 waste ; donc je me nourris de cette impulsion qui me permet à moi, de développer des projets à Hong Kong.

Quels conseils donneriez-vous à un porteur de projet qui, comme vous, souhaite s’implanter à l’étranger et plus particulièrement en Asie ?

On assiste actuellement à un développement des opportunités locales en ce qui concerne le "Lifestyle". Donc maintenant, il faut réussir à soulever ces opportunités et à développer une communauté qui comprend et répond aux besoins d’un magasin vrac. Il faut aussi s’adapter aux goûts locaux  : ici par exemple le chocolat au lait est très peu populaire alors que le chocolat noir avec un très fort pourcentage, rencontre un grand succès. Enfin, il ne faut pas hésiter à s’appuyer sur le label « made in France » : tout ce qui est français est très apprécié. D’une manière générale, vous ferez face à certains défis, mais s’implanter ici représente une aventure fabuleuse.

Comment envisagez-vous l’avenir d’Edgar ? Et plus généralement, comment envisagez-vous l’avenir du vrac à Hong Kong ?

Le vrac à Hong Kong se porte bien. Les acteurs sont diversifiés et le réseau commence à se développer. Il y a vraiment de belles opportunités en ce qui concerne l’économie circulaire et le développement durable. Plus personnellement, je quitte la ville pour l’Angleterre et j’espère pouvoir transmettre l’entreprise aux employés afin qu’ils continuent de développer Edgar au niveau local. De mon côté, je pense me lancer dans le consulting pour les marques espérant se lancer dans le vrac. J’espère aussi pouvoir aider les pays en développement à réaliser une transition vers le Zéro plastique : j’ai en ce sens été accepté dans le programme « From linear to circular » de la fondation Ellen MacArthur.

Un dernier mot ?

Fondamentalement, je pense que le vrac a un réel impact lorsqu’il est local. Avec Edgar, on a réussi à éveiller progressivement les consciences et à donner des opportunités de réflexion à de nouveaux individus. Pour cela, on a par exemple ouvert un espace de séminaires réalisés en anglais mais aussi en cantonais, afin de pouvoir toucher l’ensemble de la population hongkongaise. Je pense réellement que chaque petit élément permet de construire un meilleur futur. Donc longue vie au vrac !

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